Extrait d’un interview, publié par “Le Matin Dimanche”, le 11 novembre 2018, page 8.

Pascal Couchepin, en général, les anciens conseillers fédéraux restent en retrait. Pourquoi sortez-vous de votre réserve à deux semaines du vote?

Ce n’est pas la première fois que je participe au débat politique. Si j’interviens, c’est que je crois sincèrement que cette initiative de l’UDC est vicieuse et dangereuse pour l’avenir du pays.

Qu’est-ce qui est en jeu dans ce scrutin?

C’est la conception de la démocratie suisse. Nous avons une démocratie semi-directe dans laquelle il y a des équilibres. La Constitution dit que la Confédération est formée du peuple et des cantons. Le peuple n’est pas le seul pouvoir, il y en a d’autres qui sont là pour limiter ses compétences, comme le Parlement ou les tribunaux. Je ne veux pas d’une dictature de la majorité qui décide de faire ce qu’elle veut, sans considération des engagements pris à l’intérieur du pays, où à l’extérieur à travers les traités que nous avons signés.

Votre non est un non à l’affaiblissement des droits humains ou à celui de la place économique?

C’est un non à n’affaiblissement de la crédibilité de la Suisse. Voulons-nous d’un système politique qui ne tient aucun compte de la parole donnée? Les citoyens doivent comprendre que leurs libertés individuelles sont aussi protégées par les traités internationaux.

L’UDC affirme pourtant défendre la démocratie.

Les arguments des partisans changent régulièrement en fonction des besoins de la campagne. Au début, ils critiquaient les juges étrangères; maintenant, ils prétendent défendre la démocratie. Et lorsque la votation sera terminée, vous allez voir qu’il y aura de nouvelles revendications qui vont arriver et qui ne sont pas connues aujourd’hui. L’UDC cherche une victoire de prestige, pas à régler un problème.

(…)

Il y a des inquiétudes légitimes derrière ce texte. Des décisions populaires sont corrigées par la Cour européenne des droits de l’home, comme sur l’expulsion des criminels étrangers.

Mais on ne change pas les règles en fonction de problèmes individuels. Les tribunaux sont là pour tout le monde et les lois sont valables pour tous. Et si une décision de justice déplaît parfois à une partie de l’opinion, où est le crime? On ne va pas modifier les articles du Code pénal pour obtenir un résultat pour telle et telle personne.

Dans un pays avec une telle culture du vote, n’est-il pas gênant que des décisions du peule nesoient pas appliquées?

Mais ce n’est pas vrai! Les décisions sont appliquées. On a adhéré démocratiquement à la Convention des droits de l’homme, y compris la clause permettant à des gens qui vivent ici de recourir contre un verdict des tribunaux suisses. Les décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme sont ainsi conformes à ce que le peuple a voulu. D’ailleurs, c’est également une protection pour le citoyen contre l’Etat. Une Suisse peut aussi recourir contre la Confédération auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. (…)”

 

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